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Les hépatites demeurent un véritable défi de santé publique au Burkina Faso. Chaque année, elles emportent de nombreuses vies, bien que le traitement de l’hépatite C soit entièrement gratuit. Pour l’hépatite B, la prise en charge est gratuite pour les femmes enceintes et les nouveau-nés, tandis que le reste de la population bénéficie de médicaments subventionnés par l’État. Pourtant, cette maladie pourrait être évitée grâce à un dépistage précoce. Reportage.

Jeudi 21 août 2025. À Ouagadougou, le ciel vient de se laver d’une pluie bienfaisante. Dans les rues encore humides, nous roulons vers Karpala, un quartier situé à l’Est de la capitale. Là-bas vit Claire Hortense Sanon, une femme dont le nom est indissociable de la lutte contre les hépatites. Présidente de l’association SOS Hépatites, elle porte elle-même le fardeau de la maladie, mais en a fait son combat. Elle nous y attend.

Après une trentaine de minutes de route, nous arrivons à Karpala. Claire Hortense Sanon se souvient de l’année 1998. Ce jour-là, elle s’était rendue au Centre national de transfusion sanguine pour faire don de son sang. À l’issue des examens, la nouvelle tombe : elle est atteinte de l’hépatite B.

Le souffle coupé, elle se demande : « Qui m’a envoyée ici ? ». Elle, qui par un geste altruiste voulait sauver des vies grâce au don de sang, découvre brutalement sa propre fragilité. À l’époque, le paludisme faisait des ravages et de nombreux enfants hospitalisés mouraient faute de sang.

« J’avais entendu parler des enfants hospitalisés qui avaient besoin de sang. C’était l’époque où le paludisme faisait des ravages. Alors, je me suis portée volontaire et je suis allée à l’hôpital Yalgado, à la banque de sang. Toute fière, je croyais que mon geste allait sauver une vie », raconte-t-elle.  

J’étais choquée

Coup dur : les analyses révèlent qu’elle est positive à l’hépatite B. Claire Hortense Sanon avoue qu’elle ignorait l’existence de cette maladie. « On m’a dit que c’était une maladie très grave, sans remède. J’étais choquée et restée là, immobile. Heureusement, la personne qui m’a annoncée la nouvelle m’a indiqué qu’ils disposaient de produits naturels », témoigne-t-elle.

Claire Hortense Sanon confie qu’elle n’a jamais acheté ces produits. À l’époque, un sachet coûtait 8 000 F CFA, un montant qu’elle ne pouvait pas se permettre. De plus, il fallait en consommer une grande quantité sur une longue période pour espérer un effet.

« J’étais à la recherche de moi-même, sans emploi, et je voulais monter ma salle de sport. Tout semblait vide devant moi. Finalement, je n’ai pas opté pour l’achat de ce médicament », explique-t-elle.

On dit que c’est grave, mais moi, je suis debout

Chose étonnante, depuis le diagnostic, la présidente de l’association SOS Hépatites n’a jamais pris de médicaments, qu’ils soient modernes ou traditionnels. Selon sa sérologie, les médecins estiment qu’il n’est pas nécessaire de la mettre sous traitement, mais il y a des contrôles qu’elle suit régulièrement.

« Je n’ai jamais pris les médicaments, et je ne suis jamais allée non plus vers la phytothérapie. Mais comme on dit que c’est le foie, je connais un peu la fonction du foie dans l’organisme, et la peur fait que je ne peux pas m’hasarder », note-t-elle.

Elle explique qu’elle ne présentait aucun symptôme jusqu’au diagnostic, ce qui a forgé son mental et l’a poussée à accepter ce résultat malgré elle. Bien que le virus soit dangereux, Hortense reste en bonne santé.

Pour dame Sanon, c’est une véritable grâce. Elle dit en profiter pour vivre pleinement, même si parfois la peur s’invite dans ses pensées. « On dit que c’est grave, mais moi, je suis debout. Je n’ai jamais eu d’état de santé aussi alarmant. C’est ce qui m’a encouragée à accepter la situation et à rester debout », affirme-t-elle.

Hépatite : «J'ai découvert ma sérologie en 1998, je voulais être donneur de sang... »

Depuis lors, elle a fait de la lutte contre l’hépatite son combat. Elle sensibilise et encourage son entourage à se faire dépister. « Il vaut mieux connaître son mal pour mieux le combattre. Même si la peur est là, il faut se faire dépister. Si le résultat est négatif, il faut se faire vacciner immédiatement pour se protéger. Et si c’est positif, il faut suivre les orientations des spécialistes », conseille-t-elle.

Selon le Programme sectoriel de santé de lutte contre les hépatites, la prévalence de l’hépatite B est de 9,1 %, et celle de l’hépatite C de 3,6 %. Bien que ces chiffres datent de 2010, ils témoignent de l’ampleur de ces maladies, qui constituent un véritable problème de santé publique. La même source indique que les hépatites virales causent plus de 900 décès chaque année au Burkina Faso.

Cette maladie s’attaque au foie en provoquant son inflammation. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), d’ici 2040, les hépatites pourraient causer plus de décès que le paludisme, la tuberculose et le VIH réunis. L’inflammation peut être aiguë ou chronique et évoluer vers la cirrhose ou le cancer du foie. Une tragédie pourtant évitable grâce à un dépistage précoce.

Selon le coordonnateur du Programme sectoriel de santé de lutte contre les hépatites virales, Dr Dieudonné Soma, cinq virus peuvent provoquer cette maladie. Mais au Burkina Faso, ce sont principalement les virus de l’hépatite B et C qui entraînent le plus de complications. Les signes cliniques de la pathologie peuvent ressembler à ceux du paludisme : fatigue, fièvre, yeux jaunes, urines foncées, etc.

Il souligne que certaines personnes peuvent rester asymptomatiques. « C’est une maladie qui évolue silencieusement, d’où l’importance d’un dépistage précoce. Certaines personnes développent des symptômes, d’autres non », explique-t-il.

L’hépatite ne se transmet pas par la salive

L’hépatite se transmet principalement par voie sanguine, voie sexuelle et la transmission verticale, c’est-à-dire de la mère à l’enfant durant l’accouchement. Sur la prétendue transmission de l’hépatite par salive, le coordonnateur du programme sectoriel santé coupe court. « L’hépatite ne se transmet pas par la salive.

Les principales voies de transmission, c’est notamment la voie sanguine, sexuelle et verticale », tranche-t-il. Le spécialiste en santé publique note que cette pathologie est non seulement dévastatrice, mais aussi sa prise en charge est coûteuse. D’après le coordonnateur du programme de lutte contre les hépatites, le Burkina a fait un grand pas en rendant gratuit le traitement de l’hépatite C et en subventionnant les médicaments de l’hépatite B.

« Les examens sont coûteux et les produits le sont aussi. Le Burkina a pu mettre gratuitement à la disposition des populations, des médicaments contre l’hépatite C. Mais pour l’hépatite B, le Burkina a subventionné les produits pour toute la population », complète-t-il. Mais pour les femmes enceintes, poursuit Dr Soma, les produits et le traitement sont gratuits pour l’hépatite B.

Il faut dire qu’au niveau du programme sectoriel de santé de lutte contre les hépatites, leur action en ce qui concerne la prise en charge tourne autour de quatre stratégies que sont : la prévention par la vaccination en sensibilisant davantage les populations. Depuis 2022, le Burkina a opté de vacciner tous les nouveau-nés des mères séropositives dès les premières 24 heures. Et ce vaccin est gratuit.

Le dépistage, une arme puissante…

Le dépistage, qui est une arme puissante, s’aligne comme la deuxième stratégie. « Il est systématique chez les femmes enceintes et les donneurs de sang », soutient-il. En dehors des femmes enceintes et des donneurs de sang, Dieudonné Soma informe que des dépistages de masse se mènent régulièrement au sein des populations à travers le pays.

La troisième stratégie, c’est la prise en charge. Elle ne se limite pas seulement à mettre des produits de qualité à la disposition des populations, mais également à former le personnel de santé. Les autorités sanitaires ainsi que les partenaires au développement sont déterminées à aller vers l’élimination de cette maladie, d’où la décentralisation de sa prise en charge.

À propos, le Programme sectoriel de santé de lutte contre les hépatites est en train d’élaborer un document qui sera à la portée de tout le personnel de santé, jusqu’au niveau périphérique de sorte à ce que si on vous dépiste positif dans un CSPS (Centre de santé et de promotion sociale, NDLR), même à Falangoutou, l’infirmier qui vous dépiste sache déjà le nécessaire à faire.

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La dernière stratégie, c’est la surveillance. Le médecin spécialiste Soma explique que cette stratégie vise à suivre les personnes atteintes de ce virus afin de permettre de surveiller l’évolution de la maladie sur toute l’étendue du territoire national.

Comme Claire Hortense qui n’a jamais été soumise au traitement, cette maladie peut être éliminée par un organisme sans aucun traitement. Il dit qu’il suffit juste de les suivre annuellement. Par conséquent, il insiste sur le dépistage pour ne pas se faire surprendre par le virus. “L’hépatite a cette complexité, il faut que je le dise, il y a des gens qui n’ont pas de traitement”, soutient-il.

Kini Sanzié est le témoin vivant qu’on peut guérir de l’hépatite sans traitement. Il y a 20 ans, il a été diagnostiqué positif à l’hépatite B. “Il y a plus de deux décennies au début de ma carrière professionnelle, j’avais été diagnostiqué positif à l’hépatite B, c’était au cours d’une campagne de don de sang.

J’ai un ami que je fréquente qui travaille dans le domaine. En son temps il m’avait suggéré de participer à la campagne de don de sang pour sauver des vies et qu’en même cela me permettra de connaître mon bilan de santé”, témoigne-t-il.

C’est possible de guérir de l’hépatite sans traitement

Il raconte qu’après son geste de don de sang, son ami l’encourageait à aller chercher les résultats. Son ami insistait tellement. Il décide alors d’y aller. Comme Claire Sanon, Kini ne connaissait rien sur l’hépatite.

Après l’annonce du résultat, j’étais un peu troublé et je voyais mon avenir s’effondrer. Ma première réaction était de chercher un dictionnaire pour en savoir plus sur l’hépatite (il faut dire qu’en ce moment, internet n’était pas accessible à tous). 

Ensuite je suis allé voir un promotionnaire qui était à l’époque en sixième année de médecine. Lui il m’a dit qu’après plus de six mois, si je ne ressens rien, qu’il soit fort probable que mon organisme se soit bien défendu”, confie-t-il.

M Kini ajoute que quelques mois plus tard, il est reparti à l’hôpital pour des examens, le résultat était négatif. Il retourne une deuxième fois pour se rassurer. “Ce fut vraiment un soulagement. Je confirme alors que l’on peut guérir de l’Hépatite B sans avoir pris des antirétroviraux et autres produits pharmaceutiques”, commente-t-il.

Le Dr Soma affirme qu’une telle situation est liée à l’immunité naturelle. Il ajoute que l’idée de vacciner les enfants dès leur plus jeune âge, c’est de les protéger parce qu’ils sont vulnérables. « En six semaines, vous pouvez arriver à éliminer le virus.

Si vous prenez 100 personnes, 90 d’entre elles peuvent éliminer l’hépatite. Il y en a même celles qui ne vont pas savoir qu’elles l’avaient. Et ce ne sont que les 10 % qui vont connaître la phase chronique. Donc, c’est pour dire que naturellement, un organisme peut éjecter le virus », affirme-t-il.

Le Dr Laurent Monyenga, médecin épidémiologiste chargé de programme des maladies transmissibles à l’OMS Burkina, note que plus de 304 millions de cas d’hépatites sont notifiés chaque année à travers le monde. Il ajoute qu’environ 1,3 million de personnes meurent chaque année des hépatites B et C dans le monde. Au Burkina, plus de 2 millions de cas sont signalés pour l’hépatite B et environ 800 000 cas pour l’hépatite C.

Beaucoup de personnes sont malades, mais elles ne connaissent pas leur statut sérologique 

Il regrette que le système national d’information sanitaire ne parvienne pas à recenser l’ensemble de ces personnes afin de pouvoir les prendre en charge. « Beaucoup de personnes sont malades, mais elles ne connaissent pas leur statut sérologique.

Elles ne savent pas qu’elles sont malades. Alors que pour éviter les décès et les différentes complications, il faudrait obligatoirement que nous puissions dépister l’ensemble de ces cas, qu’ils puissent être évalués et mis sous traitement », interpelle-t-il.

Pour contrer ce fléau, l’OMS apporte un appui technique et financier au ministère de la Santé, affirme Dr Monyenga. En effet, le Burkina a pris l’engagement d’aller vers l’élimination de cette maladie à l’horizon 2030.

Pour y parvenir, il y a un certain nombre d’indicateurs que le pays s’est engagé à atteindre. « Et pour atteindre ces indicateurs, il faut un peu de ressources pour le pays afin de pouvoir non seulement sensibiliser, mais aussi dépister les différentes cibles », avance-t-il.

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Comme d’autres acteurs de la santé, le Dr Monyenga insiste sur le dépistage afin de pouvoir s’offrir à temps les possibilités de traitement qui existent. « La plupart du temps, on découvre tardivement la maladie alors que les moyens existent pour la prise en charge des cas, que ce soit l’hépatite B ou l’hépatite C. C’est vrai que l’hépatite B évolue sous forme chronique, mais il y a des médicaments pour pouvoir réduire la charge virale », encourage-t-il.

Dépistage massif, engagement collectif… Les autorités sanitaires insistent : seule une mobilisation nationale, structurée et pérenne, permettra de relever ce défi majeur de santé publique. La vaccination, le dépistage et la sensibilisation demeurent donc les armes les plus efficaces pour protéger les générations futures.

Car, l’hépatite frappe en silence, mais la lutte, elle, se fait entendre. Chaque test, chaque vaccin, chaque geste de prévention est un pas vers un Burkina Faso debout et en santé. Le virus peut être invisible, mais l’espoir est palpable…

Willy SAGBE

Burkina 24



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